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Honte et abus sexuels

J'ai décrit dans ma vidéo précédente les différences entre la honte et la culpabilité, même si on les retrouve souvent réunies.

Quand on se sent honteux, on se regarde à travers les yeux d'un autre qui nous juge, qui nous critique.

Mais cet autre qui nous rejette, c'est nous-mêmes !
C'est pour ça qu'on peut très bien se sentir honteux tout seul. On n'a pas forcément besoin des autres pour rougir de honte !

C'est quoi la honte ?

Les personnes qui souffrent d'une honte chronique croient qu'elles sont fondamentalement défectueuses, mauvaises, dégoûtantes, ou même diaboliques.

Elles condamnent ce qu'elles font ou ne font pas.
Elles condamnent leur apparence physique, qu'elles se jugent laides, trop grosses, ou disproportionnées.
Elles condamnent ce qu'elles ressentent, que ce soit de la colère, de la tristesse, de l'excitation sexuelle ou de la peur.

Bref, elles condamnent qui elles sont, dans leur totalité.

La honte c'est donc un sentiment d'infériorité, d'inadéquation, d'incompétence et d'impuissance. C'est ce qu'on éprouve quand on se sent abandonné, rejeté ou critiqué, que ce soit vrai ou que ce soit simplement une impression.

Et la honte provoque le silence, le repli sur soi, l'envie de disparaitre jusqu'à mourir de honte.

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Trois stratégies pour survivre face à un parent maltraitant

En ces périodes de confinement, nous savons que les maltraitances infantiles ont énormément augmenté. Les enfants maltraités utilisent parfois une ou plusieurs stratégies pour survivre, que nous allons un peu détailler.

Tout le monde sait maintenant que les maltraitances infantiles sont fréquentes et nombreuses. Une personne sur trois serait victime de maltraitance dans son enfance. On distingue d'un côté les abus, et de l'autre les négligences.

Les abus consistent à faire à l'enfant ce qu'on ne devrait jamais lui faire, par exemple le battre, l'humilier ou l'agresser sexuellement.

Les négligences décrivent les situations où on ne fait pas à l'enfant ce qu'on devrait lui faire, par exemple le nourrir, le soigner ou l'aimer.

Le système d'attachement

Lorsque l'enfant souffre et exprime un besoin, par exemple d'être calmé, nourri, ou rassuré, c’est-à-dire un besoin de contact, de réconfort et de sécurité, il active son système d'attachement.

Ce système biologique et comportemental est inné. Il permet de réguler l'état émotionnel. Dès sa naissance, l'enfant pleure, crie, puis tend les bras, s'agrippe au parent afin que celui-ci vienne à son aide et réponde à son besoin. Alors seulement son système d'attachement se désactive : il arrête de pleurer, de crier ou de s'accrocher, il s'apaise, se détend et s'endort.

Mais les parents maltraitants ne répondent pas de manière adaptée aux besoins de leurs enfants. On sait que de tels parents ont très souvent été victimes de pertes ou de traumatismes dans leur enfance. Ils ont donc souffert de traumatismes d'attachement qui les empêchent de répondre de manière adaptée aux besoins et à la détresse de leurs enfants. Ils ont tendance à se retirer et à se désinvestir de leur rôle de donneur de soin.

Chez les parents maltraitants

Un enfant qui souffre, qui a faim, qui a peur, active son système d'attachement. Face à cette dépendance et cette vulnérabilité de l'enfant, le système d'attachement du parent maltraitant s'active aussi. Le parent devient alors confus, angoissé, voire effrayé car la détresse de son enfant réactive ses propres traumatismes non résolus.

Que se passe-t-il alors ? Et bien le parent va d'abord essayer de calmer sa propre angoisse, son propre mal-être, et tenter de réguler ses propres émotions négatives.

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Enfant maltraité, parent maltraitant ? La transmission intergénérationnelle de la maltraitance infantile

Bonjour,

Vous avez été maltraité dans votre enfance. Etes-vous condamné à maltraiter vos propres enfants ? Aujourd'hui je vous parle d'un problème très important : la répétition de la maltraitance infantile d'une génération à une autre.

On appelle ça la transmission intergénérationnelle de la maltraitance infantile.

Négligence et maltraitance infantile : deux faces d'une même pièce

La maltraitance infantile c'est comme une pièce. Elle a deux côtés.


Le côté pile, c'est ne pas faire ce qu'on devrait faire normalement avec son enfant. On l'oublie. On ne s'en occupe pas. On ne lui apporte pas ce dont il a besoin pour se construire, s'épanouir et se développer : nourriture, santé, hygiène, habillement, éducation, protection, amour, affection, disponibilité. C'est ce qu'on appelle la négligence.

Le côté face, c'est faire à son enfant ce qu'on ne devrait jamais lui faire : on est violent, on l'agresse sexuellement, on l'humilie ou on le dévalorise. On parle alors de maltraitance physique, sexuelle ou émotionnelle.

La maltraitance infantile est une pandémie mondiale. Vous savez tous maintenant ce que veut dire pandémie !

D'après l'OMS, un adulte sur 4 a été victime de maltraitance physique dans son enfance, et une femme sur 5 et un homme sur 13 ont subi des agressions sexuelles dans leur enfance.

Et ces chiffres sont très certainement sous-estimés.

Le cycle de la violence

La transmission de la maltraitance infantile fait partie du cycle plus large de la violence, qui montre que les enfants ayant subi de la violence ont plus de risques de devenir violents en grandissant. Que ce soit avec leurs enfants, avec les autres ou avec leur conjoint.

Cette idée que les parents qui ont été maltraités ont plus de risques de maltraiter leurs propres enfants repose quand même sur un certain nombre d'études sérieuses. Mais les résultats de ces études varient énormément en fonction de la manière dont elles ont été réalisées.

Le risque de reproduire la maltraitance varie en effet de 6 à 70 % ! Avec une moyenne autour de 20 à 30 %.

Deux croyances sur la maltraitance infantile

Si on demande aux gens ce qu'ils pensent de ce problème, on retrouve deux croyances très répandues :

  • Premièrement, que les personnes qui ont été maltraitées enfant risquent de maltraiter plus tard leurs propres enfants
  • Et deuxièmement, que les personnes qui maltraitent leur enfant ont été maltraitées elles-mêmes dans leur enfance.

Regardez ce schéma :

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Le nouveau système nerveux autonome : deux mécanismes de défense et un mécanisme d’interaction sociale

Si nous sommes encore en vie, il faut en remercier l’évolution ! Elle nous a dotés de mécanismes de défense efficaces pour nous permettre de faire face aux dangers auxquels la vie peut nous confronter.

Vous avez peut-être entendu parler du système neurovégétatif, appelé encore système nerveux autonome. C’est lui qui est en charge de nous protéger. Il guette en permanence tous les signaux évocateurs d’un possible danger, que celui-ci vienne de notre environnement, de nos interactions avec les autres, ou même de notre propre corps. Non content de veiller sur notre sécurité, il nous permet aussi, quand tout va bien, de nous engager dans des interactions sociales riches et épanouissantes.

Une troisième branche pour le système nerveux autonome

Pendant très longtemps, nous avons appris que le système nerveux autonome était constitué de deux branches ayant des rôles opposés : le système nerveux sympathique qui joue le rôle d'accélérateur (augmentation de la fréquence cardiaque et des dépenses d'énergie notamment) et le système nerveux parasympathique qui joue le rôle de frein (réduction de la fréquence cardiaque et récupération).

Mais depuis les travaux d’un scientifique américain, professeur de psychologie et de neurosciences, le professeurs Stephen Porges, nous savons que notre système nerveux autonome est constitué de 3 branches !

Sa « théorie polyvagale » démontre que le système parasympathique (appelé également nerf vague) est en réalité double : nous avons deux nerfs vagues !

Nous possédons donc un système nerveux sympathique et deux systèmes nerveux parasympathiques différents par leur anatomie et par leur fonction.

Le système nerveux parasympathique dorsal

Le plus ancien des trois dans l’évolution des espèces est le système nerveux parasympathique que l’on nomme « dorsal » car les noyaux d’où partent et arrivent ses fibres nerveuses sont situées en arrière du tronc cérébral (structure située juste sous le cerveau).

Vieux de 500 millions d'années

Il nous vient des premiers poissons primitifs vertébrés, il y a 500 millions d'années. Les reptiles, apparus il y a 300 millions d'années, possèdent un parasympathique dorsal particulièrement efficace. N'ayant besoin que de peu d’oxygène pour survivre, ils se protègent face aux dangers en réduisant de manière considérable leur métabolisme. Ils ne bougent plus, ne respirent presque plus, leur cœur ralentit considérablement. Ils font le mort et peuvent passer des heures sous l’eau.
Ce système fonctionne grâce à un neurotransmetteur appelé acétylcholine.

Ce mode de protection a été conservé par l'évolution et constitue l'un des deux mécanismes de défense disponibles chez les mammifères, dont l’homme. Pensez à la souris qui fait la morte dans la gueule du chat. Souvent les prédateurs n’aiment pas les proies mortes, contrairement aux charognards. Ils s’en détournent alors, tel le chat laissant retomber sa proie, qui en profite pour détaler à toute vitesse.

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Mémoire traumatique et “parties dissociatives” : Une animation pour comprendre

mémoire traumatique et parties dissociatives

Photo by pawel szvmanski on Unsplash

Un modèle séduisant pour comprendre les conséquences de la réactivation d'une mémoire traumatique.

Le syndrome de stress post-traumatique

Il a sans doute toujours existé mais il n’a commencé à être décrit qu’à la fin du 19e siècle.

Son installation signale qu’un événement traumatique s’est inscrit d’une manière anormale dans notre mémoire. Au lieu d’être mémorisé sous la forme d’un souvenir autobiographique, que l’on peut raconter au moment où on le décide, qu’on peut même transformer pour l’embellir par exemple, il est mémorisé dans une mémoire traumatique et se retrouve isolé des autres souvenirs. Il est dissocié de la mémoire autobiographique.

Les divers constituants de cet événement sont stockés séparément : images, sons, sensations corporelles, pensées, émotions…Ils ne sont pas intégrés en un souvenir fluide et malléable qui viendrait prendre sa place dans le flux des événements de notre vie. Et ce souvenir traumatique, non intégré, fixé (c’est-à-dire inchangé) et dissocié de notre mémoire habituelle, se répète à travers des cauchemars et des flashbacks. Nous subissons alors l’irruption soudaine, de nuit comme de jour, de certaines composantes de cette mémoire traumatique : des images, des voix, des sensations, des émotions surgissent et nous envahissent, nous laissant impuissants face à ce vécu traumatique que nous vivons comme s’il se produisait réellement.

A cela s’ajoute une hyperréactivité (des sursauts par exemple) et des comportements d’évitement des situations qui rappellent le traumatisme.

On voit clairement comment la souffrance vécue lors du traumatisme se répète et se rejoue, sans modification, et parfois pendant de nombreuses années. L’événement n’est pas intégré.

Des "parties dissociatives" de la personnalité

Ces parties peuvent être schématisées comme des réseaux de neurones ayant acquis des caractéristiques parfois très évoluées.

Elles peuvent contenir des souvenirs traumatiques ou seulement certains de leurs composants (images, sons, sensations corporelles, pensées...). 
Dans les situations de trouble dissociatif de l'identité, lorsque la personne a été victime de traumatismes graves et répétés, ces réseaux se manifestent par de véritables traits identitaires différents de ceux de la personne "hôte" (prénom, sexe, vécu, compétences...).

Ces personnalités dissociatives peuvent ainsi avoir des réactions, des sentiments, des pensées, des sensations corporelles et des perceptions très différents.
Toutes ces parties traumatiques sont appelées des "parties émotionnelles".

La partie qui gère le quotidien, qui s'occupe des enfants, qui travaille et qui joue s'appelle "partie apparemment normale de la personnalité". Lorsque la personne souffre d'un trouble dissociatif de l'identité, plusieurs parties s'associent, se relaient pour gérer le quotidien au mieux de leurs compétences respectives.

Ces descriptions sont celles que nous livre la théorie structurelle de la dissociation, particulièrement bien expliquée dans le livre de Onno Van der Hart, Allert Nijenhuis et Kathy Stelle "Le soi hanté", et dans celui de Suzette Boon, Kathy Stelle et Onno Van des Hart "Gérer la dissociation d'origine traumatique". Ce dernier livre est particulièrement destiné aux patients pour travailler avec leurs thérapeutes.

Un modèle pour mieux comprendre et donner des pistes de guérison

Le modèle présenté dans cette vidéo, est tiré du livre d’une psychologue américaine, Janina Fisher, spécialisée dans les troubles dissociatifs et travaillant en collaboration avec des spécialistes tels que Onno Van der Hart.
Cette animation cherche à expliquer d’une manière simple comment cette mémoire traumatique peut nous submerger et déclencher des réactions de protection parfois dangereuses.
Une option thérapeutique intéressante en découle qui redonne à la personne victime la possibilité d’apaiser sa souffrance post-traumatique.

Il suffit de cliquer sur les images qui suivent, ce qui vous permettra de voir immédiatement les deux parties de cette animation.

J’espère qu'elle vous aidera à retrouver confiance dans vos capacités d’auto-guérison !

Et si vous souhaitez obtenir la bande dessinée au format pdf de cette vidéo, il suffit de cliquer ICI et de suivre les instructions.

N’hésitez pas à laisser vos commentaires.

Bibliographie
Healing the fragmented selves of trauma survivors -Overcoming Internal Self-Alienation - Janina Fisher, Editions Routledge

Dépasser la dissociation d'origine traumatique : Soi fragmenté et aliénation interne - Janina Fisher (traduction de Julien Baillet) - Deboeck Superieur

Le soi hanté - Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique ; Onno Van des Hart, Ellert Nijenhuis, Kathy Stelle, Editions de boeck

Gérer la dissociation d'origine traumatique - Exercices pratiques pour patients et thérapeutes ; Suzette Boon, Kathy Steele, Onno Van des Hart, Editions de boeck

Cette animation (version complète qui réunit les deux animations suivantes) décrit ce qui se passe quand une mémoire traumatique de l'enfance est réactivée et que l'adulte que vous êtes devenu(e) se sent envahi(e) par la peur, l'angoisse, la tristesse, le dégoût, la culpabilité. .. Elle montre les processus qui permettent alors d'éteindre la souffrance, avec des conséquences parfois dommageables, et explique le chemin de la guérison.

Comprendre pourquoi vous continuez à souffrir d'un passé traumatique - Première partie

Comprendre pourquoi vous continuez à souffrir d'un passé traumatique - Seconde partie

Vous aurez ici la totalité de l'animation mais sans musique et avec des voix lisant le texte.

Abus sexuels : une approche globale de la revictimisation

approce globale de la revictimisation

Pourquoi il est important de comprendre la revictimisation


Si vous n'avez pas le temps de lire cet article ou avant de le lire !

Une approche globale de la revictimisation

Nous avons vu dans l’article précédent (Abus sexuels et revictimisation) que l’histoire personnelle ne suffit pas à expliquer la plus grande fréquence de revictimisation parmi les victimes de maltraitances infantiles.

L’approche globale[1] de la revictimisation prend en compte quatre niveaux différents :
- l’histoire personnelle
- le milieu familial et amical
- les structures sociales plus larges telles que le travail, le voisinage, les réseaux sociaux
- et les valeurs culturelles associées aux systèmes de croyances, comme les préjugés ou les idées reçues

Quatre niveaux différents

Les facteurs individuels (histoire personnelle)

Ils sont des conséquences des abus sexuels. Ils sont souvent cités dans les recherches, car ils ont un impact sur le comportement de la personne :

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Abus sexuels : Pourquoi c’est mal d’avoir des relations sexuelles avec un enfant

relations sexuelles avec un enfant

Abus sexuels, consentement et libre arbitre

2017,  en France ; un adulte ayant eu une relation sexuelle avec une mineure de 11 ans n’a pas été poursuivi pour viol.
Cette pré-adolescente n’ayant pas manifesté d’opposition, les juges en ont conclu qu'elle était consentante.
La victime doit en effet prouver qu'il y a eu violence, menace, contrainte ou surprise pour que la qualification de viol soit retenue.

Ce fait divers a fait resurgir la question importante du consentement d’un mineur à une relation sexuelle avec un adulte.
Il convient de prendre en compte deux versants : le  versant juridique et le versant psychologique.

Il y a 40 ans déjà, un psychologue américain affirmait que la principale raison pour laquelle les relations sexuelles avec un enfant devaient être condamnées résidait dans le fait qu’un enfant était dans l’incapacité de donner un consentement éclairé[1].
David Finkelhor a énormément travaillé sur les abus sexuels, et a publié de nombreux articles et livres sur ce sujet.

Je vous offre une traduction de cet article, vieux de 40 années, dans lequel il décrit ses arguments.
Je pense que ce texte pourrait déclencher quelques réactions ...
Les commentaires sont ouverts !

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La fréquence des abus sexuels est en diminution

fréquence des abus sexuels en diminution

La fréquence des abus sexuels est en diminution

L’heuristique de la disponibilité

Daniel Kahneman (psychologue et économiste américano-israélien, professeur à l'université de Princeton, lauréat du Prix Nobel d'économie en 2002) et son collègue Amos Tversky ont démontré que notre capacité à estimer la fréquence d’un événement dépend essentiellement de la facilité avec laquelle les exemples nous viennent à l’esprit. Ils ont appelé ce processus « l’heuristique de la disponibilité »[1].

Et bien entendu, ce processus nous conduit à de graves erreurs d’appréciation.

Vous venez de voir à la télévision les images d’un tsunami dévastateur. Si on vous demande alors votre estimation de la fréquence des tsunamis, votre réponse risque d’être très excessive. Simplement parce qu’un exemple de tsunami vous est venu très facilement à l’esprit. Il en est de même pour les violences en général, et les abus sexuels en particulier.

 

La violence a diminué au cours des derniers siècles

Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard, a publié en 2011 un livre imposant ayant pour titre « La part d’ange en nous », préfacé par Matthieu Ricard pour la traduction française[2].

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