Le nouveau système nerveux autonome : deux mécanismes de défense et un mécanisme d’interaction sociale

Si nous sommes encore en vie, il faut en remercier l’évolution ! Elle nous a dotés de mécanismes de défense efficaces pour nous permettre de faire face aux dangers auxquels la vie peut nous confronter.

Vous avez peut-être entendu parler du système neurovégétatif, appelé encore système nerveux autonome. C’est lui qui est en charge de nous protéger. Il guette en permanence tous les signaux évocateurs d’un possible danger, que celui-ci vienne de notre environnement, de nos interactions avec les autres, ou même de notre propre corps. Non content de veiller sur notre sécurité, il nous permet aussi, quand tout va bien, de nous engager dans des interactions sociales riches et épanouissantes.

Une troisième branche pour le système nerveux autonome

Pendant très longtemps, nous avons appris que le système nerveux autonome était constitué de deux branches ayant des rôles opposés : le système nerveux sympathique qui joue le rôle d'accélérateur (augmentation de la fréquence cardiaque et des dépenses d'énergie notamment) et le système nerveux parasympathique qui joue le rôle de frein (réduction de la fréquence cardiaque et récupération).

Mais depuis les travaux d’un scientifique américain, professeur de psychologie et de neurosciences, le professeurs Stephen Porges, nous savons que notre système nerveux autonome est constitué de 3 branches !

Sa « théorie polyvagale » démontre que le système parasympathique (appelé également nerf vague) est en réalité double : nous avons deux nerfs vagues !

Nous possédons donc un système nerveux sympathique et deux systèmes nerveux parasympathiques différents par leur anatomie et par leur fonction.

Le système nerveux parasympathique dorsal

Le plus ancien des trois dans l’évolution des espèces est le système nerveux parasympathique que l’on nomme « dorsal » car les noyaux d’où partent et arrivent ses fibres nerveuses sont situées en arrière du tronc cérébral (structure située juste sous le cerveau).

Vieux de 500 millions d'années

Il nous vient des premiers poissons primitifs vertébrés, il y a 500 millions d'années. Les reptiles, apparus il y a 300 millions d'années, possèdent un parasympathique dorsal particulièrement efficace. N'ayant besoin que de peu d’oxygène pour survivre, ils se protègent face aux dangers en réduisant de manière considérable leur métabolisme. Ils ne bougent plus, ne respirent presque plus, leur cœur ralentit considérablement. Ils font le mort et peuvent passer des heures sous l’eau.
Ce système fonctionne grâce à un neurotransmetteur appelé acétylcholine.

Ce mode de protection a été conservé par l'évolution et constitue l'un des deux mécanismes de défense disponibles chez les mammifères, dont l’homme. Pensez à la souris qui fait la morte dans la gueule du chat. Souvent les prédateurs n’aiment pas les proies mortes, contrairement aux charognards. Ils s’en détournent alors, tel le chat laissant retomber sa proie, qui en profite pour détaler à toute vitesse.

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Il innerve de nombreux organes

Lorsque le système parasympathique dorsal n’est pas utilisé dans une fonction défensive, il s’occupe de tous les organes situés sous le diaphragme, donc essentiellement des organes digestifs, mais également un peu du cœur et des poumons, situés au-dessus (une activation trop forte de ce système dorsal peut conduire à un malaise vagal voire à un arrêt cardiaque par exemple).

Quand il s'active pour nous protéger

L’activation défensive de cette branche dorsale du système nerveux parasympathique se produit quand il nous est impossible de combattre ou de fuir le danger, quand nous sommes piégés et impuissants, ou quand nous sommes confrontés à un danger potentiellement mortel. C’est l’ultime voie de secours. Ce mécanisme de défense est certes très utile pour les reptiles et d’autres espèces, mais chez l’être humain, il possède quelques inconvénients.

Comment savoir quand cette ultime défense se met en route ? Je peux me sentir seul, désespéré, abandonné, épuisé, sans affect, avec le sentiment de ne plus exister. L’activation de cette branche dorsale, ancienne, de notre système nerveux parasympathique peut se traduire par un manque d’énergie, une envie de s’isoler sans plus bouger, une sidération, une
dissociation, des troubles de la mémoire ou une dépression.

Ma capacité d’évaluer la situation et de prendre une décision adaptée est fortement compromise. Sans parler des problèmes sexuels et digestifs parfois invalidants (défécation incontrôlée).

Tout ceci explique pourquoi une personne agressée et impuissante à se défendre tombe dans un état de sidération, ou de
dissociation, d’immobilité, de soumission.

Malheureusement, l’évolution n’a pas doté l’être humain d’un moyen facile pour se sortir de cet état !

Le système sympathique

Le second des deux mécanismes de défense apparu dans l’évolution est le système nerveux sympathique.
Son activation déclenche la production d’adrénaline et de cortisol, les fameuses "hormones du stress".

Une origine plus tardive dans l'évolution

Le système sympathique apparait d'abord chez certains poissons plus tardivement dans l'évolution, il y a 400 millions d'années. Contrairement au système précédent qui conduisait à une réduction du métabolisme, le système sympathique produit une augmentation du métabolisme : le cœur bat plus vite et plus fort pour envoyer suffisamment d’oxygène aux muscles pour leur permettre de faire face au danger. Le foie produit plus de glucose pour leur fournir l’énergie dont ils ont besoin pour se mobiliser.

Si je peux, je me bats et dans le cas contraire, je fuis ! C’est le fameux « fight or flight », que l’on devrait en bon anglais nommer « fight or flee » (on perd alors la rime !).

Une symptomatologie variée

Lorsqu’il est activé, le système sympathique peut produire de nombreux symptômes, tant physiques (tachycardie, douleurs diverses, problèmes de digestion et de sommeil, hypertension artérielle) que psychologiques. Je peux me sentir devenir fou, incontrôlable, irritable voire furieux. Le monde me semble dangereux, hostile voire chaotique. Je peux me sentir angoissé, sur le qui-vive, à l’écoute des signaux de danger pouvant surgir dans mon environnement, incapable de me concentrer et d’écouter les voix amicales.

Le système nerveux parasympathique ventral

Ces deux systèmes de défense vus ci-dessus sont normalement, quand tout va bien, désactivés par la troisième branche de notre système nerveux autonome : la branche parasympathique ventrale (les noyaux d’où partent et arrivent ses voies nerveuses sont localisées plus en avant du tronc cérébral).

Une apparition plus récente

Ce système parasympathique ventral n’apparait dans l’évolution qu’avec les mammifères, il y a 200 millions d'années. Il innerve le cœur (c’est lui qui ralentit en permanence notre fréquence cardiaque d’environ 10 à 20 pulsations par minute, ce qu’on appelle le frein vagal), les poumons, les bronches, la trachée, la partie haute de l’œsophage, les muscles du pharynx, du larynx et du palais, et l’oreille externe.

Il travaille en étroite collaboration avec les nerfs crâniens qui innervent les muscles du visage (nerf facial), les muscles du cou et le trapèze (nerf accessoire) et l’oreille moyenne (nerf glosso-pharyngien).

Tout cet arsenal neurologique nous permet de tourner la tête vers ceux à qui l’on s’adresse, de leur parler, de leur communiquer nos émotions tant verbalement que par nos mimiques faciales et de comprendre les leurs en les regardant et en les écoutant.

Le système d'engagement social

Stephen Porges a découvert que ce système vagal ventral était la clé de voûte de ce qu’il a appelé le système d’engagement social car il permet toutes ces interactions « face-à-face ».

Grâce à lui, je me sens connecté aux autres, engagé dans ce que je fais, curieux, à l’aise, organisé et créatif. Je me sens heureux, plein d’espoir. Le monde me parait paisible et plein d’opportunités, accueillant. Ma respiration est complète, ma fréquence cardiaque et ma pression artérielle sont bien régulées, ma digestion fonctionne bien, tout comme mon sommeil et mon système immunitaire. Je peux me concentrer sur les conversations amicales, j’ai une vue d’ensemble, je peux réaliser mes projets, jouer, me sentir productif. Je peux vire et aimer, que je sois seul ou avec les autres.

Mais pour
activer ce système d’engagement social, je dois me sentir en sécurité et mon corps ne doit percevoir aucun signal de danger. Les mécanismes de défense sympathique ou parasympathique dorsal sont alors désactivés.

Précision encore que la maturation de ce système parasympathique ventral peut être défaillante chez le prématuré (ce qui explique les problèmes de déglutition et certaines morts subites par activation défensive du système parasympathique dorsal qui produit un arrêt cardiaque)

Le jeu et l’amour

Certaines circonstances permettent toutefois l’activation à la fois du système d’engagement social et de l’un des deux mécanismes de défense.

Lorsque deux enfants chahutent un peu vivement, pour jouer, ils peuvent se donner gentiment quelques coups, mais ils restent en étroite communication visuelle afin de s’assurer d’être toujours dans l’engagement social et non dans l’agressivité.

Le parasympathique ventral (l’engagement social) et le sympathique (la mobilisation) s'activent alors en même temps. Le jeu permet la mobilisation sans danger. Il peut d’ailleurs être compris comme un apprentissage : celui de passer, sans peur, par les trois états (engagement social, mobilisation, immobilisation).

Le jeu permet d’acquérir la capacité de co-réguler (réguler avec l’aide d’autrui) ses propres états émotionnels, en permettant l’immobilisation sans peur au contact des autres. Il fait le lit d’une capacité à la
résilience.

De la même manière, l’amour nécessite l’activation conjointe du système d’engagement social (parasympathique ventral) et du parasympathique dorsal qui permet l’immobilisation nécessaire à la réalisation de l’acte sexuel. On comprend mieux pourquoi on retrouve de nombreux récepteurs à l’ocytocine (hormone impliquée dans l’accouchement et l’allaitement, mais aussi dans l’attachement) dans ces deux systèmes parasympathiques.

La souffrance

Malheureusement, de nombreuses personnes connaissent rarement cet état d’équilibre, d’engagement et de bien-être. Elles restent coincées dans une oscillation entre des mécanismes de défense actif (sympathique) ou d’effondrement (parasympathique dorsal).

Leur corps ne cesse de leur envoyer des signaux de danger qui sont en fait inappropriés, liés à des situations passées qui n’ont pas pu être intégrées ni       « digérées ».

Elles sont devenues des expertes en défense. Mais ces mécanismes de défense se déclenchent de manière automatique, totalement inconsciente. Ce qui les rend d’autant plus douloureux.

La théorie polyvagale propose de comprendre par exemple la symptomatologie du syndrome de stress post-traumatique comme la conséquence d’un système d’engagement social dysfonctionnel associé à un seuil de déclenchement abaissé du système défensif de mobilisation ou du système défensif d’immobilisation. Ceci pourrait expliquer les différences de réaction chez des personnes victimes du même événement traumatique.

En cas de danger

Lorsque des signaux de danger sont perçus, une cascade de réactions se met en place :

  • En premier lieu, le frein vagal se lève. De manière très rapide et tout aussi rapidement réversible, le cœur augmente sa fréquence afin de pouvoir faire face à l’éventuel danger. C’est un mécanisme souple et immédiatement disponible. Si la situation le permet, nous pouvons faire jouer notre système d'engagement social pour tenter de désamorcer le danger (on peut essayer de parler avec notre agresseur par exemple). Encore faut-il que le système parasympathique ventral d’engagement social soit bien mature, ce qui n’est pas toujours le cas chez les personnes ayant un attachement insécure (victimes d'abus sexuels répétés ou d'autres formes de maltraitances graves dans l’enfance par exemple). Cette levée du frein vagal permet de faire face au danger sans activer automatiquement le mécanisme de défense sympathique de mobilisation.

  • Si la levée du frein vagal n’est pas possible ou pas suffisante, le mécanisme de défense sympathique de mobilisation s'active. Il permet de faire face au danger en luttant ou en fuyant (production d'adrénaline et de cortisol). Malheureusement, ce système est plus lent à se calmer et son activation trop prolongée (stress chronique) peut conduire à des complications cardio-vasculaires notamment.

  • Si la lutte ou la fuite ne sont pas possibles, ou si le danger est potentiellement mortel, c’est le système parasympathique dorsal d’immobilisation qui se déclenche (sidération, soumission, dissociation, perte de connaissance).

La sécurité n’est pas synonyme d’absence de danger

Pour finir, il est important de préciser que se sentir en sécurité n’est pas synonyme d’absence de danger.

Trois conditions sont nécessaires pour se sentir en sécurité :

  • Le système nerveux autonome ne doit pas être dans un état défensif (ni mobilisation sympathique ni immobilisation parasympathique dorsale).

  • Le système d’engagement social doit être actif pour maintenir les deux autres systèmes dans un fonctionnement homéostasique, garant de la croissance, de la santé et du rétablissement.

  • La voix de l’autre, ses gestes et ses mimiques faciales doivent transmettre des signaux de sécurité à notre système nerveux autonome.

En situation d’interaction sociale, l’organisme doit percevoir ces indices de sécurité pour activer son système d’engagement social et empêcher le déclenchement des mécanismes de défense.

L’organisme peut alors fonctionner dans sa « fenêtre de tolérance ». 
Quelques conseils pour y mieux y parvenir suivront dans un prochain article !

Bibliographie

The pocket guide to the polyvagal theory – The transformative power of feeling safe, Stephen Porges, W.W.Norton & Compagny, 2017.

The polyvagal theory in therapy - Engaging the rhythm of regulation - Deb Dana, W.W.Norton & Compagny, 2018

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    Francois Louboff

  • Pauline dit :

    Bonjour, Il y a une erreur dans votre texte et votre schéma (par ailleurs intéressants): du point de vue de l’évolution , vous avez interverti poissons osseux (seulement parasympathique dorsal) et reptiles (apparition du sympathique)

    • Bonjour,
      Je vous remercie beaucoup pour votre remarque et votre oeil aiguisé 🙂
      Après quelques recherches, il semble que le parasympathique dorsal soit apparu il y a 500 millions d’années chez les premiers poissons primitifs vertébrés, le sympathique chez les poissons cartilagineux il y a 400 millions d’années et le parasympathique ventral chez les mammifères. Les reptiles, apparus il y a 300 millions d’années, ont donc les deux branches.
      J’ai donc fait les corrections nécessaires, tant sur le schéma que dans le texte.
      Merci encore !

  • […] menace vitale, associée à la peur, active le système nerveux autonome sympathique, ce qui entraine des symptômes d'anxiété, d'hyperactivation physiologique comme la […]

  • tgrhythyt dit :

    je suis pas convaincu du tout par votre explication, vous commencez par sortir deux trois phrases pseudo-scientifiques, puis vous passez rapidement (à partir de la rubrique « la souffrance ») à des bavardages du style « aimer l’amour, à mort la mort »

  • Nicole Andry dit :

    Merci pour cet article….j’ai 75 ans et je souffre de stress chronique …ce qui provoque un blocage de tous les organes du ventre avec grosses douleurs, style coups de couteau, et c’est imprévisible , ….est ce que le massage proposer peut aider? Ou y a-t-il autre chose à faire….?

    • Bonjour,
      L’exercice permet de favoriser le fonctionnement de la branche ventrale du nerf vague qui est associé au sentiment de sécurité. Activer cette branche ventrale peut aider les personnes qui sont trop stressées à mieux réguler leur état. Activer la branche ventrale du vague en faisant cet exercice permet aussi de réduire l’effet du système sympathique (celui qui s’active quand on doit se défendre contre une menace, réelle ou imaginaire).
      Pour le reste de vos questions, je ne peux pas donner de consultation. Je ne peux que vous conseiller de consulter un médecin, un psychologue ou un psychiatre pour déjà comprendre l’origine de votre stress, éliminer d’autres diagnostics possibles et mettre en place les soins adaptés.

  • Sabrina dit :

    Bonjour, du coup l’exercice de stimulation du nerf vague que vous partagez sur votre chaîne youtube nous aide à passer en mode ventral ?

    • Bonjour,
      Oui en effet, cet exercice favoriserait le fonctionnement des 4 paires de nerfs crâniens qui sont connectés au nerf vagal (trijumeau, facial, glossopharyngien et nerf accessoire).
      Or ces nerfs crâniens sont tous importants pour l’engagement social, qui est sous la dépendance de la branche ventrale du nerf vague (la voix, l’audition, les mouvements du visage et du cou).
      D’ailleurs les effets de l’exercice, bâillement, déglutition ou soupir témoignent de l’activité de la branche ventrale. On ne se met pas à bailler quand on est en mode défensif, quand prédominent le système sympathique et éventuellement la branche dorsale du nerf vague.
      Mais gardez à l’esprit que ces trois branches du système nerveux autonome doivent fonctionner en harmonie. Par exemple, quand la branche ventrale permet un engagement social, donc un sentiment de sécurité, elle contient le fonctionnement de la branche sympathique et de la branche dorsale du vague dans une fourchette optimale pour maintenir l’organise dans un état d’homéostasie qui permet la santé, la croissance et le rétablissement.

  • Sophie dit :

    Bonjour Dr. Je suis présentement en arrêt de travail depuis 6 semaines pour dépression majeure, TAG et crises de panique. Je suis médicamenté bien sûr, mais je trouve long de retrouver mon énergie et capacité. Lors de mes crises de paniques, je tremble de tout mon corps sans en avoir le contrôle, palpitations cardiaques et grosse difficulté à respirer, je manque vraiment d’air. Présentement je suis pratiquement au lit toute la journée, je réussi quelques fois à aller faire un tour sur mon patio et marche 2-3 minutes sur mon terrain. Me laver les dents, me laver et aller aux toilettes me demande de l’effort et après un bain je suis épuisé. Est-ce que les exercices pour activer le nerf vague seraient bénéfique pour moi ou non ? Merci beaucoup !

    Sophie

  • stéphanie dit :

    Bonjour, merci beaucoup pour ce post très intéressant ! Une personne souffrant de problèmes neurovégétatifs avec vertiges, fatigue, nausées, faiblesse …. aurait alors un parasympathique dorsal trop actif ?

  • judith dit :

    Bonjour Docteur , je vous suis très reconnaissante pour toute l’information que vous nous donner .Vous êtes concis , exigeant ,pédagogique et bienveillant dans vos vidéos !MERCI !

  • Noëlle dit :

    Bonjour. Et merci pour cette très bonne vulgarisation. J’aurais une question concernant le frein vagal. Vous écrivez « Si la levée du frein vagal n’est pas possible ou pas suffisante, le mécanisme de défense sympathique de mobilisation s’active. » Je croyais justement que c’était par la levée du frein vagal ventral que le sympathique se mobilisait ?
    Merci de votre retour.

    • Bonjour et merci pour votre question.
      Il me semble que vous dites presque la même chose que moi ! La levée du frein vagal est une étape intermédiaire qui peut éviter de lancer le système sympathique qui est plus long à se calmer et qui entraine plus de conséquences biologiques (adrénaline, cortisol).
      Il y a, face à un danger, un recrutement hiérarchisé des différents systèmes. La levée du frein vagal (par désactivation de la branche ventrale) peut suffire, si cela permet de faire face au danger.

      Face à une difficulté, vous allez d’abord essayer de retrouver un sentiment de sécurité en utilisant la parole et le regard, si c’est possible. Il y a alors utilisation de la branche ventrale (système d’engagement social).

      Si cela ne fonctionne pas, le système d’engagement social est désactivé, y compris le frein vagal cardiaque. Il y a donc levée du frein vagal. Ceci produira une augmentation de la fréquence cardiaque favorisant la mobilisation pour anticiper, si nécessaire, le passage au stade suivant. Mais lorsque la branche ventrale n’a pas pu se développer suffisamment en raison de maltraitance infantile par exemple, le frein vagal est de mauvaise qualité et insuffisant. Donc sa levée ne produira pas ou peu d’effet sur le système cardiovasculaire.

      Si cette seconde étape ne fonctionne pas, alors le système sympathique (fight/flight) s’active.

      Et si vous ne pouvez ni fuir, ni combattre, alors c’est la branche dorsale du vague qui entre en action et mène à l’immobilisation ou à la dissociation.

      Une précision : le parasympathique ventral a plutôt tendance à freiner le sympathique. Lors de certains jeux, le sympathique est activé pour courir, se battre gentiment. Mais comme il s’agit d’une situation non dangereuse, le parasympathique ventral (le système d’engagement social) s’active et contrôle le système sympathique afin d’éviter une évolution vers l’agressivité et la violence.

      J’espère que cela répondra à votre question !

      • Noelle dit :

        Merci pour ces précisions. A vous relire je crois finalement que je n’ai pas compris ce qu’est le frein vagal. Je pense avoir une vision un peu simpliste de celui-ci : le frein vagal modère le sympathique donc si on le lève le sympathique s’active.
        Ce qui ne correspond pas à ce que vous dites : « Si cette seconde étape ne fonctionne pas, alors le système sympathique (fight/flight) s’active.  »
        Ma question est Quelle est cette seconde étape ?
        Par avance merci

        • Ce n’est pas le frein vagal qui freine le sympathique, c’est le parasympathique ventral, et dans certaines situations. Oubliez ce fait quand vous cherchez à comprendre les réactions de défense (fight – flight – freeze).
          Le parasympathique ventral se manifeste par ce qu’on appelle le frein vagal. Mieux le parasympathique fonctionne, meilleur est le frein vagal.
          La second étape, c’est précisément la levée du frein vagal. Cela signifie que le parasympathique ventral est moins actif. Il freine moins le coeur.
          Cette levée du frein vagal permet de bénéficier d’un peu plus de puissance cardio-vasculaire sans avoir besoin forcément d’activer le système sympathique.
          Et quand cela ne suffit pas, le sympathique est alors mis à contribution.
          C’est vrai que ce n’est pas si simple !)

  • Emmanuelle dit :

    Bonjour, merci pour cet article.
    Avez-vous des références scientifiques sérieuses auxquelles me référer pour valider cette distinction, anatomiquement parlant, du nerf vague ventral et du nerf vague dorsal ?
    Je vous remercie.

    • Bonsoir et merci pour votre question. Le livre de Porges, The polyvagal theory, contient des références anatomiques. Il cite par exemple un article de McAllen et Spyer (two types of vagal preganglionic motoneurones projecting to the heart and lungs, de 1978 et disponible sur Google Scholar) qui affirme que ces fibres motrices (chez le chat) sont des fibres de type B, donc myélinisées.
      On sait par ailleurs que la majorité des fibres parasympathiques sont non myélinisées.
      Mais il est vrai qu’une recherche internet sur l’anatomie précise du nerf vague ne donne pas grand chose.
      Voici un passage de son livre qui contient plusieurs références qui pourraient vous intéresser :
      « Cardioinhibitory and bronchoconstrictor neurons located in the NA have myelinated vagal axons that conduct in the fast B fiber range (McAllen & Spyer, 1976, 1978). In contrast, neurons located in the DMNX have axons projecting to the cardiac vagal branches that are nonmyelinated and conduct in the slower C fiber range. Although there are reports of cardioinhibitory vagal neurons with efferent axons conducting in the B fiber range being located in both the DMNX and the NA, neurons with axons conducting in the C fiber range are restricted to the DMNX (Jordan et al., 1982). The role of these nonmyelinated vagal fibers on the heart is not well understood. In research with cats (Ford, Bennett, Kidd, & McWilliam, 1990) and dogs (Donald, Samueloff, & Ferguson, 1967), stimulation of these fibers did not affect heart rate. However, although unsubstantiated at this time, the function of these fibers may be dependent on the outflow of the myelinated NA fibers and may change during conditions such as hypoxia. For example, the influence of the unmyelinated fibers on the heart may be potentiated when the outflow from the myelinated NA fibers is blocked. In contrast, in the rabbit, stimulation of the nonmyelinated vagal fibers results in heart rate slowing (Woolley, McWilliam, Ford, & Clarke, 1987). ».
      Bon courage !

  • Albert M dit :

    sur les exemples du jeu et de l’amour je suis tenté de proposer un complément qui donne un peu de sel à l’amour !:))
    – ok sur le jeu ( combinaison du NVV et du NOS) ou les enfants simulent le combat en restant dans les limites ( autant qu’ils le peuvent ! en fait on voit que çà dérape souvent en vraie bagarre et pleurs !!) à condition de se caler sur le regard ?!…
    – sur l’amour sexuel notamment (mais aussi les tendres combats ou disputes amoureuses verbales du quotidien…) on peut voir se combiner les 3 systèmes : le NVV qui met en position de calme et ouverture maximum à l’autre, le NVD qui immobilise ou interrompt les fonctions autres que sexuelles et affectives et enfin le NOS qui dans les ébats peuvent nous faire aller de la plus grande douceur à une « sauvagerie » de bon aloi !! :))) au moins quand on est jeune !!
    qu’en pensez vous ?

  • Joëlle dit :

    Bonjour,
    Quels peuvent être les symptômes d’une hyperstimulation du nerf vague ?
    Je vous remercie.

    • Bonsoir. Une trop grande activation du nerf vague produit ce qu’on appelle un malaise vagal : brève perte de connaissance, brutale ou précédée de nausées, de vertiges et d’autres manifestations (pâleur, vision trouble…). Dans ce cas, le nerf vague ralentit trop le coeur, la pression artérielle chute et provoque la perte de connaissance.
      Sur le plan psychologique, une activation excessive du nerf vague produira des phénomènes de soumission, de sidération et de dissociation (dépersonnalisation, déréalisation).

  • damien dit :

    Bonjour,

    Un article très clair et très bien expliqué

    Un grand merci à vous !

    Damien

  • Dromas dit :

    Bonsoir Docteur,
    Je pense que c’est un article qui doit être relu pour bien en comprendre le sens. Ma première réaction serez celle-ci :

    « l’organisme doit percevoir ces indices de sécurité pour activer son système d’engagement social et empêcher le déclenchement des mécanismes de défense. »

    Si l’organisme n’arrive pas à percevoir ces indices de sécurité en question, que fait on ? et comment faire afin que ces trois critères puissent êtres en mode de fonctionnement et tous les trois en symbiose ..

    « L’organisme peut alors fonctionner dans sa « fenêtre de tolérance »
    Cela reste pour moi encore inconnu..Ma fenêtre de tolérance ..Peut être que finalement cela m’effraie ..

    Bonne soirée. Merci de nous faire sortir de notre zone de confort , car c’est ainsi que l’on peux avancer encore un peu plus dans la compréhensions de nos soucis et de nos troubles!

    • François Louboff dit :

      Merci pour votre commentaire.
      Si l’organisme n’arrive pas à se sentir en sécurité, il reste bloqué dans les attitudes défensives, passant du parasympathique dorsal (immobilisation) au sympathique (mobilisation).
      La difficulté est bien sûr de revenir dans la sécurité du moment présent, surtout quand certaines « parties » sont encore au temps du traumatisme …

      • Béatrice dit :

        Bonjour Docteur ,
        ‘c’est le système parasympathique dorsal ‘
        Ma question est : est-ce que cela peux arriver qu’un organisme fonctionne constamment dans se mécanisme ?
        Merci.

        • Bonsoir Béatrice,
          Non, aucun organisme ne reste fixé sur un seul de ces systèmes. Il passe au cours de la journée par ces trois modes de fonctionnement. Chaque moment de la journée déclenche l’un de ces trois systèmes, en fonction de ce que la personne est en train de vivre. L’objectif est de revenir le plus souvent possible dans l’engagement social (parasympathique ventral), donc de parvenir à quitter la défense sympathique ou parasympathique dorsale le plus vite possible ! Mais comment y parvenir ? Voilà toute la question…

          • Albert M dit :

            je dirais que la solution vue de Sirius est de s’identifier à aucune des 3 positions, par un effort de conscience, se dire que nous sommes plus grands que notre peur ou colère ou abattement … évidemment plus facile à dire qu’à faire. Comme les enfants nous sommes souvent emportés par la force « reptilienne » ou « limbique » de nos émotions et sentiments… c’est la grandeur et difficulté de devenir pleinement humains.
            Mais le travail sur le nerf vague peut y aider ?…

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