Category Archives for "Les agressions sexuelles"

La trahison dans les agressions sexuelles de l’enfance

Introduction

J’ai rencontré de nombreuses personnes qui ont été victimes de ce qu’on a l’habitude d’appeler des abus sexuels. J’en profite pour vous rappeler que des associations militent pour ne plus employer l’expression bus sexuel mais celle d’agression sexuelle de l’enfance.

Mais contrairement à ce que peut évoquer ce mot, de nombreuses agressions sexuelles ont lieu sans violence, sans terreur. Et parfois même avec douceur. Et quand le corps est caressé, sans violence, la victime peut ressentir des sensations agréables qui seront sources par la suite d’une profonde culpabilité.

Ce qui m’a interrogé, c’est que ces agressions sexuelles de l’enfance ont provoqué, des années plus tard, de véritables syndromes de stress post-traumatiques, alors qu’il n’y avait eu ni violence ni terreur.

Syndrome de stress post-traumatique sans violence : un paradoxe ?

Or pour poser le diagnostic de stress post-traumatique, la victime doit avoir été exposée à la mort, à des blessures graves, ou à la violence sexuelle, donc à une expérience de peur voire de terreur, que ce soit comme victime directe ou comme témoin.

 Par exemple un accident de voiture, un viol, une agression ou un tremblement de terre.

Alors, comment comprendre ce paradoxe ? Pourquoi certaines agressions sexuelles de l’enfance, commises avec douceur et sans violence, peuvent-elles induire des années plus tard un véritable stress post-traumatique ?

La réponse, je l’ai trouvée dans ce qu’on appelle la théorie du traumatisme de la trahison, qui a été développée par une psychologue américaine qui s’appelle Jennifer Freyd.

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Pertes et deuils associés à la maltraitance de l’enfant

Bonjour,

Les maltraitances que subissent les enfants sont très fréquentes, que ce soit de la violence physique, sexuelle ou émotionnelle, ou de la négligence.

Plus de 3 millions d’enfants, en gros un enfant sur cinq, sont victimes de maltraitance en France chaque année.

Maltraiter un enfant, c’est lui donner ce qu’il ne devrait jamais recevoir, par exemple des coups, de l’humiliation, de actes sexuels. Et le négliger c’est ne pas lui apporter ce qu’il devrait recevoir, c’est à dire de l’amour, de l’attention, du respect.

Évidemment, chaque type de maltraitance n’exclut pas les autres et de nombreux enfants sont victimes de plusieurs sortes d’agression.

Et on sait malheureusement que les séquelles de ces différents traumatismes sont nombreuses, qu’elles soient psychologiques, physiques, sexuelles et même sociales.

La maltraitance est source de pertes non reconnues

Mais on a tendance à oublier que la maltraitance dans l’enfance n’a pas que des conséquences traumatiques.

Car elle est aussi, inévitablement, une expérience de pertes.

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Peut-on oublier un abus sexuel de l’enfance ?

Une personne ayant été victime d’un abus sexuel dans son enfance peut-elle vraiment oublier cet événement traumatisant et le retrouver, parfois de nombreuses années plus tard ?

Si vous posez la question autour de vous, il est probable que les gens vous répondront que non, ça n'est pas possible, on ne peut pas oublier un événement aussi marquant. Cette réponse parait logique et sensée.

Et pourtant, cette question a donné lieu à des querelles d’experts parfois violentes dans les années 80 et elle continue, encore aujourd’hui, à diviser les psychologues qui travaillent sur les traumatismes et la mémoire.

Ceux qui rejettent la possibilité que des abus sexuels de l’enfance puissent être oubliés font appel à trois grandes déductions qui sont en fait illogiques.

La première de ces déductions est de dire que si un événement a été oublié, c’est qu’il ne peut pas avoir été traumatique.

La seconde affirme que si un événement apparemment traumatique a été oublié, c’est qu’en fait il ne s’est jamais produit.

Enfin, la troisième déduction avance que si un événement traumatique semble avoir été oublié, c’est que la personne se trompe sur son oubli, et qu’en réalité, elle a oublié s’en être déjà souvenu.

Vous allez voir qu’on progresse vers une plus grande acceptation de ce phénomène d’oubli traumatique, même si nous n’avons pas encore toutes les clés pour le déchiffrer.

Qu'en est-il en 2022 ?

En effet, de nombreuses études de psychologie sont venues confirmer ce qu'on sait depuis le 19e siècle : on peut oublier et retrouver plus tard des souvenirs de traumatismes, notamment des abus sexuels de l'enfance.

Mais on peut aussi oublier d’autres sortes de traumatismes, comme une catastrophe naturelle, un accident, un traumatisme de guerre, un kidnapping, un acte de torture ou un internement dans un camp de concentration.

Oublier un abus sexuel : comment l'expliquer ?

Alors, comment peut-on oublier des événements aussi marquants et destructeurs ?

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Honte et abus sexuels

J'ai décrit dans ma vidéo précédente les différences entre la honte et la culpabilité, même si on les retrouve souvent réunies.

Quand on se sent honteux, on se regarde à travers les yeux d'un autre qui nous juge, qui nous critique.

Mais cet autre qui nous rejette, c'est nous-mêmes !
C'est pour ça qu'on peut très bien se sentir honteux tout seul. On n'a pas forcément besoin des autres pour rougir de honte !

C'est quoi la honte ?

Les personnes qui souffrent d'une honte chronique croient qu'elles sont fondamentalement défectueuses, mauvaises, dégoûtantes, ou même diaboliques.

Elles condamnent ce qu'elles font ou ne font pas.
Elles condamnent leur apparence physique, qu'elles se jugent laides, trop grosses, ou disproportionnées.
Elles condamnent ce qu'elles ressentent, que ce soit de la colère, de la tristesse, de l'excitation sexuelle ou de la peur.

Bref, elles condamnent qui elles sont, dans leur totalité.

La honte c'est donc un sentiment d'infériorité, d'inadéquation, d'incompétence et d'impuissance. C'est ce qu'on éprouve quand on se sent abandonné, rejeté ou critiqué, que ce soit vrai ou que ce soit simplement une impression.

Et la honte provoque le silence, le repli sur soi, l'envie de disparaitre jusqu'à mourir de honte.

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Honte et culpabilité : le couple maudit des émotions

Si je vous demandais de définir la honte et la culpabilité, vous auriez probablement quelques difficultés à le faire.

Rassurez-vous, même des experts utilisent ces deux mots sans faire vraiment de différence, l'un n'allant souvent pas sans l'autre. Honte et culpabilité forment ce qu'on pourrait appeler le couple maudit des émotions !

Et dans la vie de tous les jours, la majorité des gens préfèrent parler de culpabilité dans des situations où le mot honte serait plus approprié. Comme si notre société était phobique de la honte ! Vous comprendrez mieux pourquoi tout à l'heure.

Deux groupes d'émotions

Considérons un premier groupe d'émotions : l'embarras, la jalousie, la fierté, la culpabilité et la honte. Ce sont des émotions sociales, que vous connaissez évidemment.

Maintenant, prenons des émotions comme la peur, la joie, la colère, la tristesse ou le dégoût, que vous connaissez tout autant.

Qu'est-ce qui différencie ces deux groupes d'émotions ?

Un animal ressent de la peur, de la joie, de la tristesse, de la colère ou du dégoût sans être conscient qu'il les ressent. Et l'enfant, autour de 8 mois, aura ressenti toutes ces émotions plusieurs fois.

Mais pour se sentir fier, jaloux, embarrassé, honteux ou coupable, on doit être capable d'introspection, d'être à la fois spectateur et juge de la situation. C’est-à-dire qu'on doit avoir conscience de soi, de son existence, de ses pensées et de ses ressentis.

Et pour ressentir ces émotions sociales, nous devons d'abord développer dans notre enfance un ensemble de normes, de règles et de buts qui nous serviront de modèles pour évaluer nos comportements. Ces normes, règles et buts dépendent évidemment de la société dans laquelle on a grandi, de notre culture, de notre famille et de notre âge. Et nous pouvons commencer à les construire vers l'âge de trois ans.

Évaluation positive ou négative d'un événement

Alors que se passe-t-il quand nous sommes confrontés à un événement ?

Et bien nous allons l'évaluer, en fonction de nos propres normes, comme étant positif ou négatif, comme un échec ou un succès.

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Parties dissociatives qui imitent l’agresseur : ennemies ou alliées ?

Il arrive que des enfants soient battus, humiliés ou agressés sexuellement de multiples fois.

Ces traumatismes entraînent des conséquences qui seront très variables d’un enfant à l’autre.

Mais souvent, pour survivre, ces enfants doivent se dissocier. Le traumatisme crée des divisions dans leur personnalité qu’on appelle des parties de la personnalité.

Parties émotionnelles, parties apparemment normales, parties qui imitent l’agresseur : voyons à quoi elles correspondent.

La théorie structurale de la dissociation

Chaque partie de la personnalité réagit et se comporte d'une manière qui lui est personnelle. Chacune a ses propres idées et ses propres émotions. Et chacune perçoit les sensations corporelles et tout ce qui vient de l'extérieur à sa façon. Tout ceci pour dire que chaque partie est très différente de toutes les autres.

Elles ont souvent la certitude d’exister en tant que parties totalement séparées et autonomes. Et ce sens de l’autonomie est très variable, pouvant aller jusqu’à posséder un âge précis ou un prénom par exemple.

Mais attention ! Ces parties ne correspondent pas à des personnes ou à des personnalités à part entière. Il n’y a en réalité qu’une seule personne, même si elle-même ne le ressent pas toujours comme ça !

Ce modèle de la dissociation s’appelle la théorie structurale de la dissociation. Et pour mieux comprendre, je vous encourage à lire l’article et à regarder la vidéo sur la mémoire traumatique et les parties dissociatives dans mon blog.

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C’est quoi la dissociation ?

Vous vous intéressez aux traumatismes psychologiques, et vous avez déjà entendu ou lu le mot dissociation.
Mais, en fait, c’est quoi la dissociation ?
Je vais faire mon possible pour vous éclairer !

Le mot dissociation a plusieurs sens.
Il désigne plusieurs concepts qui sont très différents, ce qui entraine évidemment un peu de confusion.

Plusieurs significations pour un même mot

Quand vous vous laissez aller dans un état hypnotique léger, dans une rêverie, ou quand vous avez de la fièvre ou que vous êtes sous l’emprise d’une drogue, on parle de dissociation.

Quand le psychotique délire ou se comporte d’une manière bizarre, on parle de dissociation.

Quand une personne souffre d’un stress aigu, d’un stress post-traumatique, d’une amnésie dissociative ou d’un trouble dissociatif de l’identité, on parle aussi de dissociation.

Je vais surtout vous parler de la dissociation traumatique, celle qui peut survenir lorsqu’on est confronté à un événement traumatisant.
Et cette dissociation est très particulière : elle entraine une fragmentation de la personnalité.

L'intégration

Pour mieux comprendre la dissociation traumatique, c’est plus facile de partir de son opposé, c’est-à-dire l'intégration.

L'intégration, c'est l'association harmonieuse des différentes fonctions de notre personnalité.
Habituellement, vous êtes capables de vous adapter à des environnements très différents. Pour y arriver, votre personnalité doit être non seulement stable et prévisible, mais également flexible. Et pour réussir cette prouesse, vous avez besoin de plusieurs capacités, qu’on peut appeler des processus ou des fonctions : vos perceptions et vos sensations, votre mémoire, vos émotions, vos pensées, le sens de votre identité, le contrôle des mouvements de votre corps ou de votre comportement.

Grâce à toutes ces fonctions, vous agissez de manière cohérente et coordonnée, adaptée à la situation que vous vivez, et en ayant conscience que tout au long de la journée, vous restez toujours la même et unique personne. Ça c’est l’intégration. Toutes les fonctions de votre personnalité travaillent de manière harmonieuse.

La dissociation

Mais quand survient une interruption temporaire des fonctions qui vous permettent de percevoir le monde autour de vous, de vous rappeler votre passé ou de posséder une seule identité qui relie votre passé à votre avenir, alors on parle de dissociation.

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Trois stratégies pour survivre face à un parent maltraitant

En ces périodes de confinement, nous savons que les maltraitances infantiles ont énormément augmenté. Les enfants maltraités utilisent parfois une ou plusieurs stratégies pour survivre, que nous allons un peu détailler.

Tout le monde sait maintenant que les maltraitances infantiles sont fréquentes et nombreuses. Une personne sur trois serait victime de maltraitance dans son enfance. On distingue d'un côté les abus, et de l'autre les négligences.

Les abus consistent à faire à l'enfant ce qu'on ne devrait jamais lui faire, par exemple le battre, l'humilier ou l'agresser sexuellement.

Les négligences décrivent les situations où on ne fait pas à l'enfant ce qu'on devrait lui faire, par exemple le nourrir, le soigner ou l'aimer.

Le système d'attachement

Lorsque l'enfant souffre et exprime un besoin, par exemple d'être calmé, nourri, ou rassuré, c’est-à-dire un besoin de contact, de réconfort et de sécurité, il active son système d'attachement.

Ce système biologique et comportemental est inné. Il permet de réguler l'état émotionnel. Dès sa naissance, l'enfant pleure, crie, puis tend les bras, s'agrippe au parent afin que celui-ci vienne à son aide et réponde à son besoin. Alors seulement son système d'attachement se désactive : il arrête de pleurer, de crier ou de s'accrocher, il s'apaise, se détend et s'endort.

Mais les parents maltraitants ne répondent pas de manière adaptée aux besoins de leurs enfants. On sait que de tels parents ont très souvent été victimes de pertes ou de traumatismes dans leur enfance. Ils ont donc souffert de traumatismes d'attachement qui les empêchent de répondre de manière adaptée aux besoins et à la détresse de leurs enfants. Ils ont tendance à se retirer et à se désinvestir de leur rôle de donneur de soin.

Chez les parents maltraitants

Un enfant qui souffre, qui a faim, qui a peur, active son système d'attachement. Face à cette dépendance et cette vulnérabilité de l'enfant, le système d'attachement du parent maltraitant s'active aussi. Le parent devient alors confus, angoissé, voire effrayé car la détresse de son enfant réactive ses propres traumatismes non résolus.

Que se passe-t-il alors ? Et bien le parent va d'abord essayer de calmer sa propre angoisse, son propre mal-être, et tenter de réguler ses propres émotions négatives.

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Maternité et abus sexuels : 9 obstacles

Bonjour,

Je vous parle aujourd'hui de conséquences particulièrement douloureuses pour les femmes qui ont été victimes d'agressions sexuelles dans leur enfance : leur difficulté à se considérer comme une bonne mère, et d'une manière plus générale, toutes leurs souffrances liées à la maternité.
Et j'utilise ici le mot maternité comme signifiant le fait d'être mère.


On connait bien les nombreuses conséquences, à court et à long-terme, des abus sexuels : mauvaise estime de soi, honte et culpabilité, perte de confiance, dépression, stress post-traumatique, crises d'angoisse, difficultés sexuelles, troubles alimentaires, douleurs physiques, automutilations, conduites à risques, tentatives de suicides, revictimisationdissociation, pour en citer quelques-unes.

Mais les conséquences qui touchent la maternité sont plus rarement décrites. 
La plupart des mères victimes d'abus sexuel voudraient être de meilleures mères que celles qu'elles ont eues et qui souvent les ont fait souffrir.
Elles ne veulent pas faire subir à leurs enfants ce qu'elles ont elles-mêmes vécu.

Certaines règleront le problème d'une manière radicale. Par peur de reproduire les agressions sur leurs propres enfants ou par peur d'être de trop mauvaises mères, elles renonceront très tôt dans leur vie à la maternité.

Mais celles qui ont des enfants souffrent très souvent de difficultés qui perturbent douloureusement leur rôle de mère. Certains obstacles les empêchent souvent d'être les mères qu'elles aimeraient être. Nous allons en aborder 9.

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Je suis mauvais et je me hais

Je suis mauvais et je me hais.
C’est malheureusement en ces termes que de nombreuses victimes de traumatismes subis dans l’enfance parlent d’elles. Mauvaise estime de soi, culpabilité, honte, haine de soi. Voilà leur quotidien depuis qu’elles sont enfants.
Comment en sont-elles arrivées à une telle vision d’elles-mêmes ? Comment comprendre cette souffrance ?
Le mot clé, c’est la
dissociation.

Quand le danger et le niveau de stress deviennent insupportables, ou quand le combat ou la fuite ne sont pas possibles, l’organisme doit trouver une solution pour éviter la destruction.
C’est la dissociation. C’est une réaction défensive, de protection, qui varie en intensité.
Elle va de l’engourdissement à la fragmentation, en passant par le clivage. Donc trois niveaux de dissociation, de protection, qui dépendront de l’importance du danger et des capacités de la victime à y faire face, c’est-à-dire de ses ressources.

L’engourdissement.

Beaucoup d’entre vous l’ont déjà expérimenté. Se sentir enveloppé dans du coton, de la gaze, ou comme si on sortait d’un état hypnotique, ou comme si on était sous l’effet de certains médicaments anesthésiants ou antalgiques.
Cet engourdissement permet d’atténuer toutes les sensations et les émotions.
L’annonce de la
mort d’un proche ou une agression sexuelle subie dans l’enfance produisent souvent cet engourdissement protecteur.

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