29 décembre 2019

Lorsque le lien d’attachement est rompu

Quand le lien d'attachement est rompu

​Image by Felix Brönnimann from https://teefarm.ch/tshirt-drucken/

Bonjour à tous,

On a vu dans une vidéo précédente que le fait de s’attacher à quelqu’un nous aide à nous sentir en sécurité, et que cette relation d’attachement agit directement sur notre équilibre psychologique et biologique.

C’est ce qu’on a appelé la corégulation.

Mais parfois, que ce soit au cours d’une séparation ou d’un décès, le lien d’attachement est rompu, brisé.

Cette rupture du lien provoque ce qu’on appelle une dérégulation.

Que la disparition soit temporaire, comme un voyage prolongé, ou définitive comme un décès, le résultat est le même : notre sentiment de sécurité disparait.

La réaction de stress

Quand le lien est rompu, on observe trois étapes bien distinctes.

Réaction de stress aiguë

La première étape, c’est la protestation. L’enfant ou l’adulte est inquiet et cherche activement à retrouver la personne qui a disparu.

C’est une réponse physiologique de stress aigu. Une alarme se déclenche, le corps est en état d’urgence. Le corps fabrique de l’adrénaline, de la noradrénaline et du cortisol, les fameuses « hormones du stress ». C’est la réaction « fight or flight », combattre ou fuir, qui permet aux muscles et au cœur d’être prêts pour protester contre la disparition et se mobiliser pour essayer de retrouver la personne absente.

Le cœur bat plus vite, la pression artérielle augmente, les réserves énergétiques de sucre et de graisses sont libérées pour nourrir les muscles. L’enfant s’agite, se débat, cherche, pleure. L’adulte en fait autant.

Phase de résistance

Mais si la protestation ne permet pas le retour de la personne qui manque, si le sentiment de sécurité n’est pas restauré, l’enfant ou l’adulte se replie sur lui-même. C’est le désespoir qui s’installe.

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Le corps et l’esprit ralentissent, la tristesse et la dépression apparaissent. L’alarme du début se transforme en une phase de résistance. Le corps essaye de retrouver son équilibre biologique, qu’on appelle l’homéostasie.

Pendant cette étape de résistance, le corps libère dans le sang des molécules qui stimulent notre immunité. Ce sont les cytokines. Elles sont fabriquées par nos cellules immunitaires qui libèrent alors plus d’anticorps pour lutter contre les infections.

Mais les cytokines déclenchent aussi une inflammation et augmentent la température du corps.

Quand les cytokines entrent en action, des symptômes de maladie aiguë apparaissent : fièvre, augmentation du sommeil, apathie, retrait social, faiblesse générale, humeur triste, et biologiquement, augmentation des globules blancs.

Vous voyez que ce qui se passe biologiquement quand on est infecté par un virus ou une bactérie se produit aussi lorsque nous devons affronter des événements psychologiquement douloureux.

C’est donc le même circuit neuro-immunologique qui s’active, que nous soyons malades ou confrontés à une perte.

Être en deuil, c’est comme être malade. Cela ressemble à une maladie, mais une maladie bien particulière car elle est utile et nécessaire.

Cette pseudo-maladie nous aide à retrouver un équilibre biologique et à récupérer de ce stress important.

Stress dépassé

Enfin, si cette phase de résistance dure trop longtemps, l’excès des hormones de stress, surtout du cortisol, aura des conséquences très néfastes, surtout sur le système immunitaire. C’est ce qu’on appelle le stress dépassé.

On a montré que les adultes souffrant de la séparation au cours d’un divorce ont moins de cellules tueuses naturelles par exemple, ces cellules qu’on appelle habituellement des Natural Killer.

Ces cellules immunitaires sont très importantes car elles peuvent détruire directement les cellules cancéreuses ou les cellules infectées par des microbes.

Et cette diminution des défenses immunitaires peut expliquer l’apparition de maladies chez certaines personnes en deuil.

​La phase de désorganisation, de sevrage

On vient de décrire ce qu’est une réaction de stress avec ses trois phases possibles : protestation, résistance, stress dépassé.

Mais quand nous vivons une expérience de séparation, il semble exister une première phase qui est très différente de la réaction de stress.

Il s’agit d’une phase de désorganisation.

Être séparé d’un partenaire ou d’un parent, mais parfois aussi d’un ami nous prive d'une personne qui nous aidait à maintenir notre équilibre à la fois psychologique et physiologique.

La séparation nous prive d’un régulateur biologique.

Nous avons vu que la réponse de stress est une réaction très organisée qui met en jeu l’activation du système sympathique, avec les hormones de stress.

La phase de désorganisation dont je vous parle maintenant est beaucoup moins organisée et nettement moins bruyante.

On la reconnaitra par de l’agitation, une insomnie, une perturbation de l’humeur, des modifications de l'appétit et une perturbation du tonus vagal parasympathique.

Ces perturbations montrent que les systèmes biologiques qui étaient régulés par la relation d’attachement deviennent désorganisés. Tout simplement parce que la récompense biologique qui était apportée par la relation d’attachement a disparu. C’est comme une réaction de sevrage.

Cela veut dire que la relation d’attachement a entrainé une dépendance physique, comme avec n’importe qu’elle drogue. Notre fonctionnement biologique est devenu dépendant d’une régulation apportée par l’extérieur.

Et ce qui est intéressant, c’est que cette réaction de désorganisation, de sevrage n’est pas considérée comme un stress en soi. Prenons l’exemple d’un buveur de café qui retarde sa prise matinale de café. Des symptômes apparaissent, bien connus et qui témoignent du sevrage en caféine : maux de tête, perte de concentration, humeur triste, nausées, raideur musculaire notamment.

Ces symptômes ne sont pas liés à l’activation du système nerveux sympathique que l’on retrouve toujours dans une réaction de stress. Ils sont liés à une réaction de sevrage.

Par contre, si le sevrage continue, il peut aboutir à une réponse de stress organisée. Cela veut dire que si la séparation persiste, une véritable réaction de stress prendra le relai, qui biologiquement se traduit par l’activation du système nerveux sympathique.

Bien sûr, si le lien d’attachement et le sentiment de sécurité sont gravement menacés, quand par exemple on apprend que notre partenaire vient juste de mourir dans un accident de voiture, la phase initiale de désorganisation sera très brève voire inexistante. La gravité de la situation provoque immédiatement une réponse de stress organisée.

Dans certaines circonstances, quand un partenaire est souvent absent, comme lors d'un voyage professionnel, une mission à l’étranger pour un militaire ou une séparation conjugale par exemple, la phase de désorganisation peut durer plus longtemps.

Et les conflits conjugaux qui perturbent le sentiment de sécurité pourront provoquer aussi cette réponse de désorganisation.

​Que conclure de tout cela ?

Que la rupture du lien d’attachement que l’on a construit avec un conjoint, un parent ou un ami provoque des réactions dans notre corps qui sont les mêmes, mais moins fortes, que lorsque nous sommes sevrés d’une drogue dont nous étions devenus dépendants.

Si nous vivons une rupture sentimentale, un divorce, un éloignement qui dure, ce que nous ressentons n’est pas « que dans la tête ».

Notre corps subit des changements biologiques importants qui peuvent, aussi, expliquer notre souffrance.

Si vous souhaitez avoir quelques pistes pour savoir quoi faire pour retrouver votre équilibre après une séparation, rendez-vous dans la prochaine vidéo !

A bientôt !


Bibliographie

Coregulation, Dysregulation, Self-Regulation: An Integrative Analysis and Empirical Agenda for Understanding Adult Attachment, Separation, Loss, and Recovery, David A. Sbarra and Cindy Hazan, Pers Soc Psychol Rev 2008; 12; 141, DOI: 10.1177/1088868308315702. http://psr.sagepub.com/cgi/content/abstract/12/2/141

    Francois Louboff

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